En plus d’être le thème d’actualité de la semaine dernière, la qualité de l’air intérieur est un important sujet de santé publique. Par la plume d’Alexis Braud, les élus écologistes prennent le temps de l’évoquer en profondeur.
Il est donc temps de revenir plus longuement sur la question de la qualité de l’air intérieur : celle de nos maisons et de nos lieux de travail. Il y a quelques jours, un décret prévoyant l’obligation pour les collectivités de mesurer la qualité de l’air dans les lieux accueillant du public et en particulier des jeunes enfants a été retiré par la ministre de l’environnement, Mme Ségolène Royal. Le rapport coût/utilité de cette mesure était contesté par les maires, en premier chef le maire du Mans auteur d’un rapport épinglant cette mesure avec d’autres, et le gouvernement n’avait pas besoin de cela à quelques jours des élections sénatoriales où la question de la réforme des rythmes scolaires prenait déjà beaucoup de place. Le décret est abrogé, mais rassurez-vous, les polluant de l’air intérieur restent bien là, sauf qu’en ne les recherchant pas tout va beaucoup mieux. Ou pas.
Quelles sont les données du problème ?
D’un côté les bâtiments sont de mieux en mieux isolés, les huisseries de plus en plus jointives, et donc le renouvellement de l’air intérieur ne se fait pas facilement, d’où le développement des VMC. La préoccupation de la chaleur et du confort, mais aussi celle de l’économie d’énergie, peut nous pousser à boucher les espaces d’aération prévus dans les murs ou en haut des fenêtres. Et puis aussi, on est davantage clos chez soi qu’il y a quelques décennies, on ouvre moins les fenêtres, parce qu’il y a de plus de bruits dehors, plus de fumées de voitures, et que chacun entretient un rapport différent à sa bulle personnelle. De l’autre côté, notre intérieur aussi a évolué. Des matériaux nouveaux sont apparus au fil des temps. Les meubles sont moins faits de bois massifs mais de plus en plus d’aggloméré, donc avec beaucoup de colles. Les sols sont plus souvent en plastiques, on utilise des isolants divers et des peintures plus performantes… et bien souvent aussi plus agressives dans leurs composants. Et ne parlons pas des moisissures et acariens divers, les amis des allergies, dont il ne vous a pas échappé qu’elles avaient tendances à se développer.
Au final, il y a trois types de polluants. Des polluants chimiques : on les nomme les composés organiques volatils (COV), oxydes d’azote (NOx), monoxyde de carbone (CO), hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), phtalates etc. Il y a aussi des bio contaminants : moisissures, allergènes domestiques provenant d‘acariens, d’animaux domestiques et de blattes, pollens etc… Et puis enfin les particules et fibres : amiante, fibres minérales artificielles, etc. Tout cela représente un danger pour notre santé. La combinaison de ces deux facteurs : nous sommes de plus en plus renfermés ET à l’intérieur des bâtiments il y a de plus en plus de polluants, fait que la qualité de l’air intérieur est devenue un enjeu de santé public. Car la plupart du temps, il y a dedans bien plus de polluants que dehors. Pas toujours les mêmes, mais des polluants qui s’accumulent et dont les effets sont d’autant plus importants que ce sont des choses que nous respirons tout au long de la journée. C’est ainsi qu’a été créé en 2001 par les pouvoir publics l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI).
Alors que faire ?
En premier lieu, il faut aérer naturellement. Ouvrir les fenêtres, tous les jours, au moins 10 ou 15 minutes le matin et le soir si possible, de toutes les pièces. Même quand il fait froid et même si vos fenêtres donnent sur une voie passagère. Cela dilue la pollution mais ne retire pas ses sources évidemment. C’est tout de même la première des choses à faire. C’est d’ailleurs aussi sur le système de ventilation naturelle que portaient les vérifications prévues dans le décret qui finalement a été retiré. Si nous devons aérer, ce n’est pas parce que l’air ne sent pas le frais car la pollution à diluer n’a pas forcément d’odeur et votre nez n’a rien à voir avec la décision d’aérer ou pas. Les polluants volatils et les micro fibres, votre nez n’en est pas, du tout, le meilleur détecteur. Et la seconde chose à faire, c’est évidemment de prévenir la pollution, pas seulement de la diluer. Et pour prévenir cette pollution et la réduire, il ne faut pas commencer par la nier ou la tourner en dérision car c’est naturellement la pire des choses pour faire prendre conscience d’un problème réel mais tout à fait invisible et inodore.
Prévenir, c’est être attentif à ce que l’on achète comme mobilier ou comme matériaux. Depuis le 1er janvier 2012, les produits de construction et de décoration sont munis d’une étiquette qui indique, de manière simple et lisible, leur niveau d’émission en polluants volatils. Le niveau d’émission du produit est indiqué par une classe allant de A+ (très faibles émissions) à C (fortes émissions), selon le principe déjà utilisé pour l’électroménager ou les véhicules. Il n’y a malheureusement pas encore d’étiquetage pour le mobilier, mais il le faudrait car le mobilier est un élément très présent dans la diffusion des composés organiques volatiles. Pour faire simple : privilégiez ce qui est en bois massif plutôt que ce qui est constitué de bois aggloméré. Si pour diminuer la pollution de votre air intérieur, il faut faire attention à ce que vous achetez, c’est que la norme d’affichage n’est pas une norme d’interdiction de l’ensemble des composés volatiles nocifs qui vont de l’allergie à l’effet cancérigène.
Jusqu’à la semaine dernière, il existait un décret qui obligeait à des mesures de la qualité de l’air dans les lieux publics. Ce décret qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive date du 2 décembre 2011. Il prévoyait qu’en janvier 2015 les collectivités devaient faire mesurer périodiquement la qualité de l’air intérieur dans les établissements recevant du jeune public, puis année après année jusqu’en 2023 cette mesure était étendue à l’ensemble des établissements. C’était évidemment une dépense supplémentaire, et les communes n’ont pas besoin de cela, elles croulent déjà sous les contraintes et ont des budgets en grandes difficultés du fait du nécessaire renforcement des services publics locaux et des baisses de dotations de l’État. La mesure a donc suscité des protestations fortes et des moqueries diverses. C’est très injuste et cela illustre assez bien la maxime chère à Nicolas Sarkozy : « l’écologie ça commence à bien faire ».
Premièrement on prend un décret. Il ne sort pas du chapeau ce décret, il fait suite à des constatations, et il étale la montée progressive du contrôle sur 8 années. Ce décret prévoit aussi un délai de 3 années avant de devenir contraignant, histoire que chacun ait le temps de se préparer. On explique alors aux personnes qui travaillent sur la qualité de l’air et qui s’inquiètent de ce délai combien il est déjà formidable qu’on les ait entendu, et qu’il vaut mieux un délai de 3 ans et un étalement sur 8 années, que rien du tout. Ce qui est vrai. Deuxièmement, au moment d’entrer dans le vif du sujet, on cède aux protestations et on dit que finalement il n’y a plus de décret. De plus, on est prié de prendre le sujet à la rigolade. Cette opposition entre le bon sens du terrain et les normes inutiles qui viennent d’en haut est mortifère.
L’écologie ce n’est pas le truc en plus qu’il faut faire si on a le temps, l’argent ou l’envie. Alors rêvons un peu, peut-être que les protestataires de la mesure de la qualité de l’air dans les bureaux sont spécialement attentifs à leur politique d’achat et de construction pour privilégier les matériaux et mobiliers les moins polluants, quitte à les payer un peu plus cher. Car elle est là la vraie bonne solution qui rend inutile les mesures de la qualité de l’air de ce décret : faire attention en amont (et ouvrir systématiquement les fenêtres quand même, parce que ça ne fait jamais de mal), et ne pas se moquer de cette question.
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