Samedi 19 mars, la ville du Mans et Marlène Schiappa, adjointe en charge de l’égalité, organisaient le Forum Le Mans pour toutes. Au sein de l’espace culturel des Quinconces, les échanges avaient pour thématique « la place des femmes dans l’espace public ». Ayant fait de cette question un enjeu à part entière de la politique jeunesse, Elen Debost, adjointe au Maire, est intervenue afin d’exposer le travail participatif amorcé pour, dès le plus jeune âge, tendre vers l’égalité. Découvrez la vidéo.
Retrouvez, dans l’intervention d’Elen Debost, le texte consacré au projet « Place aux filles », et les explications de sa genèse à sa mise en œuvre et diffusion prochaine :
« Le Mans pour toutes nous donne l’occasion de nous interroger sur l’application des concepts de parité et de mixité.
Yves Raibaud, un géographe qui a beaucoup travaillé sur cette question, affirme que les villes « appartiennent aux hommes, qu’elles ont été pensées par et pour des hommes ».
Les sociologues diront que les villes sont « androcentrées », bien que l’espace ne soit pas interdit aux femmes, nous nous interdisons, parfois, et de manière inconsciente, l’accès à une rue, un bar, un lieu de fête … d’autant plus à certaines heures…
Ces barrières mentales sont les conséquences de commentaires, de regards soutenus, d’insultes répétés de manière quotidiennes. Marylène Lieber, professeure à l’Institut des études sur le genre à Genève, explique que les femmes subissent des « rappels à l’ordre sexués, des petits actes qui n’ont rien de grave mais qui leur rappellent sans cesse qu’elles sont des « proies » potentielles dans l’espace public ».
Les politiques d’aménagement confirment cette tendance en construisant des lieux de loisirs essentiellement masculins : les cafés qui restent majoritairement fréquentés par les hommes, les terrains de pétanque pour les seniors, les stades, les city stades, les skateparks, et autres terrains de sports… constituent autant d’espaces et d’équipements publics où les filles sont absentes ou très minoritaires.
« Bien sûr, on peut arguer que le foot ou le skate ne sont pas réservés aux garçons, mais il faut tout de même reconnaître que les pratiques sont consacrées par l’usage ; cela revient donc à accorder plus de moyens aux loisirs des garçons » analyse Yves Raibaud, rappelant au passage que « 75 % des budgets publics servent à financer les loisirs des garçons »,
Depuis plusieurs dizaines d’années les pouvoirs publics ont à cœur de canaliser la violence des « jeunes » dans des activités positives, comme les pratiques sportives, en glissant notamment d’un intitulé de « politique jeunesse », à une réalité de politique de prévention de la délinquance des jeunes.
Le terme de jeune n’est pas « genré », mais dans l’orientation des moyens qui sont déployés, le sexe est implicite … et il est masculin.
Les équipements comme les dispositifs de loisirs sont pensés pour les garçons, ce sont donc majoritairement eux qui les fréquentent.
Cette logique conduit à l’appropriation de l’espace public par les garçons, à leur hypersocialisation des par le sport et les cultures urbaines, qui valorisent leur place prépondérante et encourage les conduites viriles et tous ses avatars : le sexisme et l’homophobie, qui demeurent bien moins prégnants dans des groupes mixtes.
Au regard de ce constat, la ville du Mans, à travers le service jeunesse, s’est lancé dans un projet innovant et unique en France, un travail de sensibilisation et de concertation sur « la place réservée aux filles, dans l’espace et les politiques publiques ». Cette démarche va nous permettre de nous rendre compte des ressources existantes mais aussi des freins à lever pour que notre ville s’accorde aussi bien au masculin qu’au féminin.
Le projet a été lancé il y a presque un an. Il est tout simplement intitulé « Place aux filles » (P.A.F. pour son abréviation). Dans sa première étape, il prend la forme d’un court métrage documentaire. Réalisé sur plusieurs mois avec une cinquantaine de jeunes volontaires, il sera présenté en mai aux Cinéastes, puis dans différents lieux, et sera mis à disposition des enseignants, des associations et des institutions qui souhaitent travailler autour de cette question. Sa vocation est d’engager le dialogue sur ce thème, de susciter le débat, de nous amener à réfléchir collectivement.
En parallèle du documentaire, nous réalisons avec l’appuie d’une sociologue un travail approfondi d’étude qualitative et quantitative afin de connaître la part des filles et des garçons parmi les bénéficiaires des actions que nous menons avec le Service jeunesse, et ainsi mesurer l’impact des initiatives qui seront mise en place à l’avenir pour tendre vers une politique plus égalitaire.
Ce travail initié par la Ville du Mans est une application concrète de l’approche intégrée de l’égalité qui a été adoptée par la Commission européenne sous le terme « gender mainstreaming ». Celle-ci figure dans les engagements de la charte européenne pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie locale. Elle est aujourd’hui inscrite dans la loi du 4 aout 2014 pour l’égalité réelle. Elle prend acte du fait que les inégalités entre hommes et femmes imprègnent l’ensemble de la société et donc l’ensemble des politiques publiques. Les institutions mandatées pour agir au nom de l’intérêt général se doivent en ce sens de vérifier l’impact de leurs politiques et l’égalité réelle d’accès aux services publics qu’elles proposent.
Seule la ville de Bordeaux s’était jusqu’ici penchée sur la question. Notre ville, au travers de ce projet, devient précurseur en la matière et un laboratoire d’expérimentation de l’évolution de la place des filles, puis des femmes qu’elles deviendront. C’est notre chantier à toutes et tous, et un enjeu à la portée de chaque citoyenne. »
Elen Debost, Forum Le Mans pour toutes, 19 mars 2016
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