Le 15 avril 2021, en séance du Conseil Municipal, les élu.e.s écologistes ont voté un vœu sur le projet dit « Hercule» de restructuration du groupe EDF.
Le Conseil Municipal du Mans émet le souhait que le projet du Gouvernement soit retiré et mené dans le cadre d’une réelle concertation à engager, voire à co- construire, avec les acteurs du système énergétique français, parmi lesquels les collectivités locales sont pleinement parties prenantes, dans le respect des Accords de Paris et de l’engagement du Président de la République de ramener à 50% d’ici 2035 la part du nucléaire dans le mix énergétique.
Lors de la présentation du vœu en séance, Jacques Gouffé, conseiller municipal et co-président du groupe écologiste, est intervenu pour expliquer la position du groupe.
Vous pouvez lire cette intervention ci-dessous :
Après une première mobilisation en novembre et décembre, près d’un tiers des salariés d’EDF était en grève le 19 janvier pour contester le projet “Hercule” proposé par le gouvernement pour refondre le groupe EDF,
un projet « qui ne répond en rien aux exigences de notre époque et à l’avenir de nouvelles générations ».
Pourquoi ce projet ?
En 2011, le gouvernement Fillon met en place le mécanisme de l’ Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique (ARENH) pour permettre aux opérateurs privés d’accéder à prix fixe (42 € le MWh) à cette électricité à des coûts inférieurs à ceux du marché.
Le problème pour EDF aujourd’hui est que ce prix fixe est en-deçà de son coût réel de production (48 à 53€ / Mwh selon la CRE et EDF).
EDF vend à perte son électricité à ses concurrents et EDF perd régulièrement des parts de marché.
L’Etat se tourne donc vers les institutions européennes pour augmenter ce tarif, ces dernières ayant accepté à l’époque le système d’ARENH à la condition de ne pas modifier ledit tarif.
Dans cette négociation, Bruxelles demande (à nouveau) à la France de séparer ses activités de production et de distribution. Voilà en quelque mot comment est né le projet Hercule.
Que prévoit ce projet ?
Hercule prévoit de refondre le groupe en 3 entités :
EDF BLEU société détenus à 100 % par l’État regroupant RTE (le réseau de transport d’électricité) et les activités nucléaires
EDF VERT dédié à la fourniture et distribution d’électricité, société détenue à 65 % par l’État et privatisée à 35 % regroupant principalement DALKIA, leader des réseaux de chaleur, « EDF EN » filiale spécialisée dans le solaire et les éoliennes la branche commerce d’EDF et ENEDIS (filiale chargée de la distribution d’électricité)
EDF AZUR filiale détenue à 100 % par l’Etat pour gérer les barrages hydroélectriques
Ce projet vise à sortir EDF de l’impasse financière dans laquelle elle se trouve actuellement.
En effet, aujourd’hui EDF compte 41 milliards d’euros de dette, une somme qui va croître sensiblement au regard des investissements qui sont devant elle :
- le grand carénage pour prolonger la durée de vie de son parc nucléaire (100 Mds €),
- le démantèlement des centrales et le traitement des déchets (75 Mds €, dont seulement 35 sont provisionnés),
- la possible construction de 6 nouveaux réacteurs EPR (56 Mds €) + 10 Mds € pour Flamanville.
- Et puis la folie financière de l’EPR de Flamanville qui devait être livré en 2010 et qui devait couter 3.5 MM €. Sa livraison est repoussée année après année pour des raisons de malfaçons, on parle de fin 2022 dans le meilleur des cas et son cout est passé de 3.5 MM€ à près de 20 MM€ .
Alors, toutes ces nouvelles dépenses vont faire grimper en flèche le coût de l’électricité nucléaire (35 € aujourd’hui) jusqu’à 80-90 € le MWh, soit le double du prix de gros du MWh renouvelable d’aujourd’hui. Compte tenu de tout cela, le prix de 42 € le MWh de l’ARENH est évidemment intenable.
Il faut noter que la hausse des tarifs annoncés aura un impact social fort dans un pays champion du chauffage électrique et des logements mal isolés, où déjà 12 % des ménages sont en situation de précarité énergétique.
Pourquoi contester ce projet ?
D’une part Hercule est clairement la conséquence du soutien obstiné,
« quoi qu’il en coûte » de l’Etat français au nucléaire.
Et dans le plan de découpe, L’ETAT applique la même logique que pour les privatisations précédentes (Telecom, autoroutes…) : on laisse à l’Etat le soin de gérer les pertes du nucléaire, qui sont colossales et on ouvre au marché de la concurrence les activités rentables.
il faut noter d’ailleurs que les marchés financiers ont salué positivement le projet hercule et le prix de l’action EDF augmente régulièrement. Les marchés apprécient que l’Etat reprenne à sa charge les déficits colossaux du nucléaire et leur laisse en partie la main sur les activités rentables, ENR et distribution.
Pour les écologistes, il est indispensable d’affirmer notre opposition à ce projet, mais il est tout autant indispensable de sortir de l’entêtement nucléaire pour développer massivement les énergies renouvelables, ce que ne peut garantir le statu quo.
Car le groupe EDF n’est pas au niveau où on pourrait l’attendre sur la transition énergétique et si la France est en retard sur ses objectifs en matière de renouvelables, on le doit en partie à EDF.
Et ce n’est pas un problème de tour de table capitalistique, c’est un problème de choix politique de la part de l’actionnaire « ETAT » qui est largement majoritaire, et qui resterait quoi qu’il advienne majoritaire.
C’est un problème de choix de développement.
Je viens de donner les montants des investissements à venir, ils sont très importants et orientés nucléaire, il ne reste que peu de place pour les autres secteurs, enr et réseaux.
Nous défendons aussi un retour à une gestion locale et décentralisée de la production d’énergie.
Les élus écologistes réaffirment que des efforts considérables de sobriété énergétique doivent être conduits pour réduire drastiquement nos consommations d’énergie, en parallèle d’une production 100% renouvelable à moyen terme ;
Dans ce cadre, nous défendons une réorganisation d’EDF selon les principes suivants :
l’organisation de la sortie du nucléaire et les moyens pour la réaliser
le développement des Énergies Renouvelables pour aboutir au plus vite à 100% de production dans le mix énergétique
la gestion des barrages hydroélectrique par des régies ou des sociétés publiques nationales, régionales ou locales
la gestion complètement publique d’ ENEDIS et de RTE pour garantir leur neutralité qui donne dans son organisation une réelle place aux collectivités locales propriétaires des réseaux.